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Les faux encaissements du comptable public

Notre comptable public invente des paiements. Trouve-t-il que la commune ne rentre pas assez d’argent? 

Cette fois-ci ce sont des inscriptions sur le compte 515 qui posent problème.
Je reprends ce qui est écrit au sujet de ce compte dans l’instruction M14, qui régit la comptabilité des communes : «Tous les décaissements et encaissements, quel que soit leur mode, sont constatés au compte 515.»  

Cela  veut dire que sur ce compte, on doit retrouver tous les mouvements réels d’argent, ce que la commune a payé (inscrit au crédit) et ce qui lui a été payé (inscrit au débit). 
À Arvillard on y trouve même ce qui n’est pas payé…

Le comptable public, ou trésorier municipal, ou encore trésorier payeur, fonctionnaire de la DGFIP, est seul autorisé à faire les paiements et encaissements d’argent, pour le compte des communes. Et lui seul écrit sur ce compte 515, qui est donc une copie du relevé bancaire, en inversant les débits et les crédits, puisque le relevé de la banque correspond à la comptabilité de celle-ci.

Quelle est la banque de la commune ?
Les collectivités territoriales (dont fait partie notre sympathique commune) sont obligées de déposer leurs liquidités au Trésor. Bon c’est quoi le Trésor ? C’est un compte unique sur lequel se trouve la trésorerie de l’État. Il est ouvert à la Banque de France et sa gestion est assurée par l’Agence France Trésor.

Donc c’est le pot commun ! Évidemment les flux de chacun sont individualisés. J’ai trouvé un joli diagramme :



Revenons au compte 515 de la comptabilité de la commune d’Arvillard. Il présente une particularité : on y trouve des paiements dont la commune n’a jamais bénéficié.

Ah là là, qu’est-ce que cette histoire encore ?

Une fois de plus, j’ai découvert cela par hasard.

Je m’étais intéressée aux factures de vente de bois suite au refus obstiné du maire de me communiquer les bilans forestiers. 

La commune vend du bois et émet donc des factures, qui sont éditées par l’ONF pour le compte de la mairie. Pour avoir la copie d’un certain nombre de ces factures, il a fallu batailler, ne pas lâcher le morceau (comme d’hab), mais la période pré électorale a apparemment incité not’maire, très angoissé le pauvre à l’idée de ne pas être réélu, à lâcher du lest. 

Certaines ventes sont regroupées avec des lots de bois d’autres communes. Dans ce cas l’ONF encaisse la recette et reverse ensuite à chaque commune la somme qui lui revient, déduction faite de frais de recouvrement et de reversement, qui se montent à 1 % de la recette HT.

Le net à reverser, clairement indiqué sur la facture, est égal au montant TTC moins ces frais. 

Voici ci-dessous la partie correspondante d’une de ces factures. Elle indique qu’Arvillard va recevoir de l’ONF un paiement de 15 468,84 € :

Les frais de recouvrement, d’un montant de 141,92€ sont déduits de la somme reversée à la commune. Jusque là c’est limpide.
Le tampon « Mandaté le… » correspond à l’enregistrement des frais au compte 6226. Il faut un mandat de paiement pour porter les frais au compte de charge, alors qu’aucun paiement ne sera effectué. C’est bizarre mais ça se fait comme ça.

Enfin là on croit avoir tout compris. Eh bien on a tort !

Car, au moins pour cette facture, ces frais se retrouvent au débit du compte 515, c’est-à-dire comme si l’ONF les avait payé à la commune.

En voici la preuve ci-dessous :

Le compte 415 est le compte « traite de coupes de bois » (la terminaison 1, ce qui fait 4151, correspond à un recouvrement amiable). À son débit est inscrit le montant dû dont le paiement est différé, un certain délai étant octroyé à l’acheteur. Lorsque celui-ci paie la commune, le compte 4151 est alors crédité du montant payé, qui est également porté au débit du compte 515.
Sur l’écriture comptable,  il y a un numéro de pièce, 130 ici, qui correspond au titre de recette émis pour encaisser la facture. Il n’y a pas d’ambiguïté possible. D'ailleurs voici l'enregistrement du montant net à reverser, lors de son paiement: 

Pour les autres factures de ventes groupées, les frais sont enregistrés de façon systématique au débit du compte 4011 « Fournisseurs », ce qui, pour une somme d’argent qui ne sera pas payée à la commune, est plutôt étrange.
Comme je n’ai pas la suite des écritures, je ne sais pas quel est le traitement final. Et notre comptable n’est pas très coopératif. 
(Comment d’ailleurs ai-je pu avoir ces écritures ? En fait notre comptable n’avait pas envie de m’envoyer le livre auxiliaire (détail du compte), que je lui demandais. Sans doute y a-t-il des choses à ne pas voir. À la place j’ai reçu un fatras d’écritures de ce style, avec lesquelles il pensait peut-être me noyer.) 

Je me suis amusée à questionner le maire sur cette anomalie au moins apparente. Sa réponse laisse entendre que tout est normal, ce qui tendrait à démontrer qu’il est au courant des magouilles de notre comptable public. 
À moins qu’on ne considère qu’il a peu de compréhension et donc qu’il ne voit pas où est le problème. Il donne effectivement à certains l’impression d’être un peu benêt. Mais pas si benêt.

N’ayant pas eu de réponse satisfaisante de la part de la mairie, j’ai contacté moi-même l’agent comptable de l’ONF. On n’est jamais mieux servi que par soi-même.
Résultat : la liste des avis de mise en paiement effectués au profit de la commune d’Arvillard, que j’ai reçue de l’ONF, confirme que le paiement effectué a été conforme à la facture, et que ces 141,92 € n’ont pas été payés.  

Mais il y a encore un autre problème : ces frais étant rentrés, comme déjà dit, au débit d’un compte de charge (6226), notre comptabilité se retrouve avec un débit de trop, et comme il faut toujours que la somme des débits soit égale à la somme des crédits, le comptable a forcément mis la même somme en crédit quelque part. 
Où ? Je lui ai posé la question, mais il ne veut pas répondre.

L’histoire ne s’arrête pas là. Dans la liste des avis de paiement reçue (2015), j’ai remarqué qu’une facture n’avait pas été payée en totalité, pour une raison que je n’ai pas pu savoir... car l’agent comptable de l’ONF a commencé à prendre peur, et n'a plus voulu répondre. 
Notre comptable public a 2 encaissements pour cette autre facture : un premier encaissement qui correspond à l’avis de paiement émis par l’ONF, et un deuxième encaissement, dont le versement ne m’a pas été confirmé, mais qui vient solder la facture. Cette somme supplémentaire, qui est « à priori » à nouveau une fausse inscription comptable, est égale à 1987,27 €.

J’ai demandé à not’maire l’avis de mise en paiement correspondant et le bilan de cette vente groupée, que l’ONF communique à la commune. Pour l’instant pas de retour, à part cette réflexion du dit maire en conseil sur ma nouvelle demande de communication de documents administratifs: « le problème c’est que la CADA valide. ».

Un problème pour lui, certes. 

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