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Syndicat des eaux, une comptabilité « à la louche »


On savait la comptabilité d’Arvillard fantaisiste. Le phénomène a été contagieux, le syndicat des eaux a aussi été infecté !

Petite présentation:

Le syndicat des eaux est un établissement public de coopération intercommunal (EPCI).
C'est une personne morale de droit public qui dispose d'une autonomie administrative et financière.

La gestion est faite par le comité syndical.
Les membres du comité syndical sont élus par les conseils municipaux, chaque commune membre est représentée dans le comité par deux délégués. S’il n’y a pas eu d’élections le maire et le premier adjoint sont d’office désignés délégués.

Le comité syndical se réunit régulièrement et prend des délibérations, comme un conseil municipal.
Ces délibérations sont publiques : tout citoyen a donc le droit d’assister aux réunions, d’obtenir les compte-rendus, de consulter le registre des délibérations, etc...
Tous les documents comptables sont aussi communicables, consultables, voire publiables.

Voilà pour le cadre.

Pour quelle raison me suis-je intéressée au syndicat des eaux ?
C’est la comptabilité d’Arvillard qui m’y a amenée : j’ai pu constater qu’en 2011, à l'occasion des travaux d’assainissement entre Mollard-Quinson et la Chaz, Arvillard avait financé le changement d'une conduite d’eau potable. 
Le syndicat des eaux, propriétaire de la conduite, s’était engagé par convention à rembourser le montant des travaux à la commune, mais le remboursement officiellement déclaré dans la comptabilité d’Arvillard a été inférieur au montant prévu, sans justification.

Dans ce type de manœuvre, appelée opération sous mandat, une convention doit obligatoirement être signée entre les 2 parties, histoire qu'il n'y ait pas d'embrouilles...ce qui n'a pas empêché les embrouilles.

Pour autoriser la signature de cette convention, conseil municipal et conseil syndical devaient chacun de leur côté prendre une délibération.
N’ayant que la délibération côté Arvillard, j’ai demandé cet hiver au syndicat la copie de sa délibération et de la convention signée (les délibérations de la commune d'Arvillard peuvent être très farfelues). 

Les délibérations, comme chacun sait ou devrait savoir, sont des documents qui doivent être publiés pour être valides et restent consultables par le public ad æternam. La convention est aussi communicable, étant un document administratif. 

Pourtant le président du syndicat commence par refuser toute transmission, mais aussi la consultation du registre des délibérations : voilà qui commence fort !

Heureusement j’ai l’habitude maintenant de ces refus de communication, grâce au maire d’Arvillard. 
Je lui envoie alors texte de loi bien explicite, avis CADA au cas où il n'aurait pas encore bien compris, et je reçois finalement un courrier, en recommandé s’il vous plait.

Dans ce courrier se trouvent les documents demandés mais aussi une lettre pas triste.
Le président commence par me dire que je suis un « tiers de droit privé » et que je n’ai pas à demander des documents publics :
Définition du mot public : l'adjectif public qualifie ce qui appartient au peuple dans son entier, concerne les citoyens...

La loi garantit l’accès aux documents administratifs aux « tiers de droit privé ».
Sont considérés comme administratifs tous les documents produits ou reçus par une administration publique, entre autres les collectivités territoriales. Voir cette page sur le site de la CADA.

Continuons la lecture :
Pas de problème, la preuve tangible je l’ai, je me suis donc fait un plaisir de lui envoyer.

Il veut fermer le dossier de façon unilatérale. Cela plus le ton de la lettre, laisse à penser qu’il y a un «gros problème». 

Pour commencer les documents confirment l’anomalie.
Voici la délibération côté syndicat :
La convention est conforme à la délibération. Extrait de cette convention :

Le syndicat s’était engagé à rembourser la somme de 249 430,58 €, ce qui correspondait au montant TTC du devis fait par l’entreprise.
Je n’ai pas pu avoir la facture de ces travaux par le maire d’Arvillard, mais il m’a transmis une situation de travaux pour décompte final qui à priori atteste que les travaux ont bien été faits pour le montant prévu soit 249 430,58 € TTC, ou 208 554 € HT.

La convention précise l’enregistrement comptable de l’opération côté Arvillard, qui est le mandataire:

Malheureusement le remboursement a été inférieur, car voici un extrait du compte de gestion assainissement de l’année 2011 de la commune d’Arvillard présentant ces comptes 4581 et 4582 :

Les comptes concernés indiquent une dépense et un remboursement de seulement 244 238,35€.

C’est donc ce que tout un chacun peut constater en consultant le compte administratif ou le compte de gestion de la commune d’Arvillard.

Continuant dans ma lancée je demande les comptes de gestion et administratif année 2011, la facture des travaux, les mandats de paiement correspondant au remboursement à la commune d’Arvillard, et la délibération validant la bonne exécution financière de l’opération, tel que cela est prévu par la convention.

Après une nouvelle bataille je finis par recevoir une partie des documents et une nouvelle lettre du président.

Presque sans surprise, la consultation des comptes du syndicat des eaux amène d’autres anomalies :
  • l’immobilisation correspondante est rentrée en comptabilité pour la somme de 211 212,67€ HT.
  • l’enregistrement dans le compte de gestion est fait comme si le syndicat avait payé directement l’entreprise.
La comptabilité du comptable public est en partie double, et si l’immobilisation est payée une certaine somme (enregistrement au crédit du compte de trésorerie), et que vous l’enregistrez dans le compte d’immobilisations pour un autre montant (débit de ce compte), cela va déséquilibrer la balance des comptes (égalité des débits et des crédits), et une anomalie détectée. 
Donc pour ceux qui auraient la tentation de parler de « coquilles », comme l’ex adjoint soit-disant délégué aux finances de la commune d’Arvillard, il faudrait une erreur strictement du même montant de chaque côté pour que rien ne soit repéré, ce qui est fort improbable.

Pourtant, pour le président du syndicat des eaux, tout va bien, c’est du moins ce qu’il m’a écrit.
Voici un extrait de son courrier :

Il est content avec ces chiffres qui ne se correspondent pas!

Il refuse quand même de m’envoyer facture, mandats de paiement, et la deuxième délibération qui devait être prise et pour laquelle il ne me laisse pas non plus consulter le registre des délibérations. 

À la suite de ce dernier refus de communication j'ai saisi la commission d'accès aux documents administratifs. Je viens de recevoir l'avis: la CADA a bien sûr validé ma demande. Le président ne lui a pas répondu, donc ne justifie pas son refus de communication (ils sont bien nos élus, des comptes à rendre à personne). 
Les documents vont-ils m'être transmis?  
 
Il y a aussi une chose que je n’ai pas dite à monsieur le président du syndicat des eaux, c’est que le remboursement par le syndicat n’apparaît pas dans le compte de trésorerie de la commune d'Arvillard (voir l'article sur le compte 4513), ce qui m'amène à me poser la question suivante: y a-t-il seulement eu un changement de conduite d’eau potable ?
On pourrait ouvrir les paris. 
En attendant si les documents que je demande n'existent pas, ce qui est bien possible, cela doit m'être indiqué par écrit. Au lieu de ce cela, pour l'instant, je n'ai eu droit qu'à de l'intimidation. 

J'avais fait un courrier ce printemps adressé à tous les maires des communes membres du syndicat, leur expliquant la situation et leur demandant que toute la lumière soit faite sur cette comptabilité qui apparaît frauduleuse, du moins en l'absence de documents justifiant les anomalies apparentes. Pour l'instant strictement personne ne m'a répondu, sur 13 maires. 

Tout le monde s'en fout, ou aucun maire ne veut se mouiller? 
Se passe-t-il des choses dans les coulisses?
Ou bien nos maires pensent-ils, comme le maire d'Arvillard, que la comptabilité ça ne sert à rien, donc on marque n'importe quoi, aucune importance?





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